C'est très bon

La vie est un songe- Calderón

« Le plus grand crime de l’homme c’est d’être né »

Sigismond est le prince héritier de Pologne. Il est emprisonné depuis sa naissance car les astres ont prédit qu’il deviendrait un roi tyran. Son père Basilio, vieux souverain superstitieux, l’a fait incarcérer dans une tour gardée par Clotaldo. Sigismond, vêtu de peaux de bêtes, enchaîné, est à la fois triste et plein de rage.

Un jour, une belle jeune femme prénommée Rosaura, accompagné de son valet Clarin, entend les plaintes de Sigismond du fond de sa tour. Ce dernier est ému par la beauté de Rosaura, lui qui ne connaît rien au monde et n’a jamais approché une femme. Rosaura est déguisée en homme et porte une mystérieuse épée léguée par sa mère, dont l’honneur fut autrefois bafoué, tout comme celui de Rosaura. Clotaldo est troublé à la vue de l’épée : il pourrait bien être le père de Rosaura. Il la livre, ainsi que son valet, au roi Basilio.

L’intrigue qui se déroule en trois journées, est riche en rebondissements : Basilio décide de faire sortir Sigismond de sa tour pour faire un test. S’il se montre furieux ou tyrannique, incapable de sang-froid on le renverra dans sa tour. On lui fera croire qu’il a rêvé ce moment de liberté (!?).

Etrange pièce que « La vie est un songe ». Je l’ai abordée avec précaution, me méfiant du sujet tarabiscoté, d’une traduction sans doute toute pourrie (éditions Kindle…) et de ma propre ignorance concernant l’Espagne du XVIIe siècle et son théâtre. Tout cela, je le pensais, allait rendre ma lecture fastidieuse. Mais bon, un défi est un défi 🙂

Avant de me lancer, j’ai donc lu attentivement la très longue préface de Didier Souiller. Celle-ci est bien utile pour comprendre les tenants et les aboutissants du texte, son contexte historique et culturel (le XVIIe siècle est le « siècle d’or » du théâtre espagnol) cette dualité propre au théâtre de l’époque entre tragédie et comédie, à laquelle la pièce de Calderón ne fait pas exception ( les calembours du valet créent de plaisantes ruptures de ton dans le drame), l’importance du divin (« Vive Dieu » est un leitmotiv), de l’honneur, et la puissante réflexion qui sous-tend la pièce : le monde n’est qu’illusion, il faut rester maître de soi pour ne pas tomber dans le piège des apparences. Après et une première sortie « décevante » de Sigismond enragé et un retour à la case prison, le prince qui doute de la réalité ce qu’il a vécu, semble pourtant avoir saisi à quel point il est essentiel de garder ses nerfs et sa raison dans une existence qui n’est de toute façon qu’un songe…

Il ne faut évidemment pas chercher une quelconque vraisemblance dans cette pièce baroque et barrée, ni la moindre cohérence dans les actions et réactions des personnages, sauf peut-être dans celles du malheureux Sigismond, que l’enfermement a rendu violent et méfiant envers le monde – on le serait à moins-. On ne cherchera pas à interpréter le curieux revirement de Rosaura, soudain pressée de rejoindre Sigismond dans la lutte après l’avoir violemment repoussé, ni à comprendre le roi Basilio, dont l’indignité à l’égard de son fils frise la caricature. Basilio en voulant se prémunir de la violence de son fils, l’a rendu plus sauvage que jamais. On appréciera l’ironie !

Un certain nombre de choses m’ont probablement échappée mais j’ai trouvé cette pièce très plaisante à lire (éditions Kindle pas si pourrie malgré quelques coquilles) et j’ai été séduite par le mélange des genres, la folie et l’ardeur des personnages, l’incongruité des situations, cet entrelacs d’obscurité et de lumière, de sourires et de larmes.

« S’il y avait quelque chose au monde dont je dusse m’émerveiller, ce serait de la beauté de la femme. Je lisais un jour, dans les livres que j’avais, que ce à quoi Dieu a apporté le plus d’application, c’était l’homme, parce qu’il est un monde en raccourci, et la femme, car avec elle est apparu un ciel en raccourci, et la beauté qu’elle renferme est supérieure à celle de l’homme de toute la distance qui sépare le ciel et la terre »

Une belle découverte que je dois au challenge « Les classiques c’est fantastique » (deuxième édition)  de Moka et Fanny. Le thème de ce mois de juillet est le suivant :

« On dirait le Sud…
Littérature italienne, portugaise, espagnole, du bassin méditerranéen »

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16 réflexions au sujet de « La vie est un songe- Calderón »

  1. Avant je ne lisais que rarement les préfaces, ou après, et puis j’ai finalement pris le pli, pour les classiques ardus notamment et c’est effectivement souvent éclairant.
    Je pense avoir lu des extraits de ce texte en cours d’espagnol mais je ne suis pas certaine de vouloir y replonger malgré ton enthousiasme 😉

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