C'est très bon

Aux animaux la guerre – Nicolas Mathieu

« Qu’elle le veuille ou non, Rita appartient à ce monde où les gens meurent au travail »

Dans les Vosges, l’usine automobile Velocia est sur le point de fermer, laissant les ouvriers désemparés, fatalistes ou fermement décidés à lutter jusqu’au bout. Martel, syndicaliste, est du genre combatif, mais il a aussi quelques problèmes personnels à régler et de gros besoins d’argent. Il se retrouve videur dans une boîte de nuit grâce à Bruce, intérimaire bobybuildé accro à la coke, et se rend bientôt complice d’un kidnapping, sur fond de prostitution et de mafia russe…

Le chemin de Martel va croiser celui de Rita, inspectrice du travail, qui elle-même va trouver sur sa route une jeune prostituée en fuite qu’elle va prendre sous son aile…

Il se passe dans ce roman beaucoup plus que mon bref résumé ne le laisse supposer : dans un contexte de crise sociale dépeinte sans fards mais sans pathos, Nicolas Mathieu fait vivre dans ce roman très noir tout un monde de déclassés, de petites gens broyées par le système, clouées au sol. Cette justesse sidérante dans les mots – l’écriture est ciselée, crue et vraie- et les situations, a trouvé son apogée dans l’inoubliable « Leurs enfants après eux » et on peut dire que malgré quelques défauts, ce premier roman est vraiment réussi. « Aux animaux… » n’est évidemment pas un préquel des « Enfants… », ni tout à fait du même niveau, mais on y trouve des similitudes, des thématiques visiblement obsessionnelles chez l’auteur et une belle et sincère indignation, annonciatrices du futur chef d’oeuvre.

Les personnages, nombreux, que l’on découvre peu à peu grâce à une narration polyphonique (chaque chapitre a pour titre le nom d’un personnage) ont une épaisseur surprenante qu’il est bien agréable de trouver dans un polar. Je ne suis pas une spécialiste, mais Nicolas Mathieu, avec ce roman, prouve qu’il est possible d’apporter de la consistance au personnage dans un genre où ça n’est pas forcément la priorité.

L’intrigue, tendue, est plutôt bien ficelée,  je dis « plutôt » car j’ai tout de même été surprise par quelques sauts dans le temps pas forcément très bien amenés et notamment un démarrage du roman pendant la guerre d’Algérie qui m’a semblé décroché du reste. De même, les adolescents, qui occupent une place de choix dans le récit, ne paraissent pas avoir de lien direct avec l’intrigue elle-même, si ce n’est la filiation de la sulfureuse Lydie et de Bruce le toxico avec le Victor Duruy du début et que l’on retrouve, devenu vieil homme, des années plus tard.

La fin du roman, très ouverte, m’a laissé rêveuse… et frustrée d’être ainsi laissée en plan. J’aurais aimé connaître le devenir des personnages, captés sur l’instant puis abandonnés aux supputations du lecteur. Choix d’auteur mais un peu dommage.

« Et puis soudain une jeune fille cette drôle d’invention. Une jeune fille c’est simple, ça l’air d’être dessiné d’un trait de plume, à main levée, sans rature ni rien.(…) Avec leurs cheveux trop longs, leurs drames de pacotille, ces bottes qu’elles lorgnaient depuis quinze jours et qui feraient que la vie vaut la peine d’être vécue ou pas, avec tout leur merveilleux tralala, les jeunes filles lui faisaient du bien, et un peu mal aussi »

Sur ce blog, une novelas de Nicolas Mathieu chroniquée

Et sur l’ancien blog, le chef d’oeuvre:)

Une nouvelle participation au challenge de Sharon

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16 réflexions au sujet de « Aux animaux la guerre – Nicolas Mathieu »

      1. Oh je te jure que « Leurs enfants après eux »mérite de passer devant tous les petits copains qui attendent … c’est un roman d’une puissance… en parler m’émeut encore. C’est vraiment un très très grand livre.

        Aimé par 1 personne

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