« Un buveur, c’est quelqu’un qui tâche d’oublier qu’il a cessé d’être jeune et qu’il ne croit plus en rien. »
Brick boit trop. Il repousse violemment sa femme, Margaret, ardente comme une chatte, (c’est ainsi qu’elle se définit) et la rend responsable de la mort de son meilleur ami Skipper, avec qui Margaret a eu une aventure. Autour du couple qui se déchire, gravitent le frère de Brick, Goover, marié à Edith (Mae dans la version originale) et père de cinq enfants, le patriarche de la famille à qui l’on cache qu’il est atteint d’un cancer, la grand-mère Ida, tendance hystérique, elle aussi rejetée par un mari dont elle subit le mépris au quotidien sans jamais renoncer à lui. Tout ce petit monde est réuni à l’occasion de l’anniversaire du grand-père, exaspéré par l’alcoolisme de son fils cadet à qui il aurait pourtant aimé laisser les rennes de sa plantation de coton. Goover, qui n’a pas les faveurs de l’impitoyable Big Daddy, ne l’entend pas de cette oreille et compte bien faire valoir ses droits à l’héritage. N’est-il pas le père d’une famille nombreuse, alors que Brick et Margaret n’ont pas d’enfants ? Mais il y a Margaret, qui, comme une chatte, retombe toujours habilement sur ses pattes…
La soirée d’anniversaire sera orageuse, dans le ciel, et entre les murs de la propriété, dans la chambre de Brick et Margaret, où les différents personnages vont et viennent, inlassablement.
C’est avec cette une pièce de théâtre que je conclus mon année de « Classiques c’est fantastique ! » (un peu en retard, désolée) dont le thème de ce mois-ci est « un siècle à l’honneur ». Le XXe, donc.
Nous sommes en Amérique, dans le Mississippi, à une époque où les blancs asservissent les noirs, où les femmes ont le devoir d’être fécondes, où les hommes sont virils ou ne sont pas, où le whisky coule à flots. Les protagonistes de la pièce sont aussi rugueux que l’arrière-plan social, du moins en apparence. Pour autant, ils sont dotés d’une psychologie complexe, on peine à les comprendre, leurs intentions, leurs sentiments restent flous : on peut se demander ce qu’éprouve réellement Margaret, dont l’attachement envers un mari alcoolique qui la rejette, et qu’elle a trompé, demeure pour moins ambiguë. La perspective d’un gros héritage n’est pas pour lui déplaire, elle qui a été pauvre et assume ne plus vouloir l’être. Mais l’argent est-il l’unique moteur de Margaret ?
L’ambiguïté n’est d’ailleurs pas l’apanage de Margaret. Brick, dont l’affection pour le défunt Skipper se teinte d’horreur lorsqu’il imagine qu’on le soupçonne d’être homosexuel, n’est pas en reste. De même, la vieille Ida est à la fois horripilante et touchante dans son obstination à défendre un homme, qui de toute évidence, ne la supporte pas. Est-elle totalement aveugle, joue-t-elle un rôle? Chacun d’entre eux n’est pas celui ou celle qu’il donne à voir. La vérité est ailleurs.
Une pièce de théâtre magistrale, d’un grand auteur, que j’avais envie de découvrir. J’ai tout simplement adoré la férocité des personnages, leur épaisseur, les dialogues saisissants, la peinture de la famille, au vitriol. Incontournable.
On peut voir le film de Richard Brooks, avec Paul Newman et Elisabeth Taylor (1958)
« Les classiques c’est fantastique ! », c’est chez Moka et Fanny
J’ai découvert la pièce récemment aussi (il y a 2 ou 3 ans) et comme toi j’ai été emballée par sa férocité. J’avais aussi lu « Un tramway nommé Désir », excellent …
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Le tramway est dans mes projets lecture imminents 🙂
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J’avais vu une adaptation au théâtre. Je vais voir si je peux trouver le film dont tu parles.
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Je vais le chercher aussi 🙂
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Bonjour Une Comète, Tennessee Williams a été gâté dans ses adaptations au cinéma. En revanche, je n’ai pas lu les pièces de théâtre. Bonne journée.
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