C'est très bon

Klara et le soleil- Kazuo Ishiguro

 

« J’ai beaucoup de sentiments, j’en suis persuadée. Plus j’observe, et plus les sentiments auxquels j’ai accès sont nombreux. »

 

Klara est un robot androïde très évolué, une Amie Artificielle, qui attend comme d’autres robots, qu’un enfant veuille bien l’adopter. Exposée dans une vitrine, Klara met à profit son sens de l’observation exceptionnel pour capter tout ce qui se passe à l’extérieur, tout en absorbant les nutriments du Soleil nécessaires à son bon fonctionnement. Ceci quand les machines qui polluent la ville ne l’en empêchent pas.

Josie, douze ans, semble avoir le coup de foudre pour Klara (coup de foudre réciproque, malgré les mises en garde de la Gérante du magasin, rompue à l’ingratitude des humains) et persuade sa mère de l’acquérir. Klara intègre donc sa nouvelle famille, fait la connaissance de Rick, le voisin et meilleur ami de Josie, et tente d’apporter aide et réconfort à celle dont elle est désormais l’A A. Josie est en effet atteinte d’un mal étrange qui pourrait bien lui être fatal. Mais jusqu’où ira Klara pour sauver (« relever ») Josie?

« Klara et le soleil » est une bien jolie rencontre, avec un auteur que je n’avais jamais lu (tout auréolé qu’il soit de son prestigieux prix Nobel, je suis tout de même passée à côté d’Ishiguro jusqu’à ce jour)et une très touchante héroïne, bien plus humaine que tous les humains qu’elle peut côtoyer. Klara est empathique au plus haut point et si elle comprend mal les humains et leurs réactions, son sens aiguisé de l’observation lui permet d’analyser au plus près leurs comportements.

J’ai presque tout aimé dans ce livre, délicat et très profond. Il y est question d’amitié ( quelle déception, on s’y attend, c’est vrai,  le dévouement de Klara ne peut pas être payé de retour) d’éthique (l’utilisation possible de Klara à des fins que je ne peux pas révéler ici fait sursauter…) mais aussi de discrimination, ( Rick, le meilleur ami de Josie est déclassé, socialement rejeté, malgré toutes ses qualités) discrimination dont sont aussi victimes les robots, accusés entre autre de prendre la place des humains sur le marché de l’emploi. On y parle de pollution, cette pollution envahissante et probablement responsable de la maladie de Josie. Le monde que décrit Ishiguro est celui d’un futur probablement très proche (aucune indication temporelle n’est donnée, mais l’intelligence artificielle, bien implantée, ne surprend pas et l' »oblong » a remplacé le smartphone) qui sous des dehors paisibles, se révèle très inquiétant : la solitude est la toile de fond qui sous-tend tout le roman, solitude des enfants qui achètent de l’amitié artificielle, solitude du robot pour qui peine à comprendre ce qui l’entoure. Le monde est devenu bien indéchiffrable.

J’ai beaucoup aimé que le récit soit mené par Klara, dont regard est kaléidoscopique : ce qu’elle voit est compartimenté et elle semble avoir du mal à envisager le monde dans son ensemble. (Nous aussi, par moments, on peut trouver les réactions des différents protagonistes difficiles à décrypter, mais c’est parce qu’on les perçoit à travers les yeux de Klara). L’écriture d’Ishiguro est volontiers suggestive, très douce, à la fois fluide et scandée, un peu répétitive, à l’image de son héroïne robot.

« Bientôt le paysage changea si rapidement autour de moi que j’eus la peine à y mettre de l’ordre. À un moment donné, les autres voitures remplirent une boîte, tandis que dans les boîtes qui vinrent se placer immédiatement à côté s’empilaient des segments de la route et du champ alentour. Je fis de mon mieux pour préserver la ligne fluide de la route qui se déplaçait d’une boîte à l’autre, mais avec la vue qui changeait constamment, je décidai que ce n’était pas possible, et je laissai la route se briser et repartir de zéro chaque fois qu’elle franchissait une frontière. »

Je disais que j’avais presque tout aimé : mon petit bémol se trouve dans la dimension mystique, quasi religieuse du roman. Le Soleil est un Dieu (Il est Dieu?) que Klara supplie de rendre la santé à Josie, santé qu’Il pourrait bien lui ôter définitivement s’Il était mécontent, pour on ne sait quelle raison. La dimension sacrificielle (Klara plaide coupable, se flagelle un peu trop) et la menace d’un Dieu redoutable, qui fait la pluie et le Soleil, ne sont clairement pas ma tasse de thé. Le mystique dans les livres, j’aime pas trop, mais c’est très personnel.

Il n’empêche, « Klara et le soleil » est un très beau roman, lumineux et émouvant, très joliment écrit, un roman plein d’amour, d’amour déçu, mais d’amour quand même.

Au fond, c’est peut-être moi qui suis déçue de la manière dont les choses tournent. Klara, elle, n’est qu’abnégation, jusqu’au bout.

« Croyez-vous au cœur humain ? Je ne me réfère pas simplement à l’organe, bien sûr. Je parle dans le sens poétique. Le cœur humain. Pensez-vous qu’une telle chose existe ? Cette chose qui rend chacun de nous spécial et unique ? »

 

 

21 réflexions au sujet de « Klara et le soleil- Kazuo Ishiguro »

  1. Je n’aime pas trop ces histoires de robots ; je ne comprends pas que ça en fasse rêver certains. J’ai seulement lu « les vestiges du jour » de cet auteur, que j’avais beaucoup aimé.

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  2. J’ai aimé les romans de l’auteur que j’ai lu : il se renouvelle beaucoup et c’est toujours un plaisir de le suivre, où qu’il aille. Je n’ai pas encore lu celui-ci, je verrai à la bibli ou en poche (pas encore prévu)

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  3. Il semble que les commentaires buggent ! J’ai beaucoup de mal avec les auteurs japonais, mais Ishiguro ne rentre pas vraiment dans cette catégorie et j’ai complétement, viscéralement, aimé Les vestiges du jour (livre et film). je retiens donc ce titre malgré sa dimension mystique, ça devrait passer …

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  4. j’ai adoré il y a bien des années de cela Les vestiges du jour (l’adaptation avec Thompson et Hopkins est aussi une merveille), et je ne l’ai jamais relu depuis. On m’a offert Un artiste du monde flottant, qui sommeille donc dans ma bibli depuis fort longtemps.

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