bof bof

Station Eleven- Emily St. John Mandel

 

« Il est surprenant de voir la rapidité avec laquelle on en vient à trouver normal de vivre sur un banc, avec une simple valise, près d’une porte d’embarquement. »

 

« Dans un théâtre à Toronto, au beau milieu d’une représentation du roi Lear, l’acteur Arthur Leander s’effondre. Un spectateur tente en vain de le ranimer.  La grippe de Géorgie vient de frapper. Cette pandémie foudroyante sonne le glas d’une civilisation.

Certains survivent au cataclysme comme cette troupe de comédiens et musiciens nomades, qui tente, au mépris du danger, de jouer Shakespeare et Beethoven, ultimes représentations de la beauté du monde d’avant : ceux qui sont encore là et l’ont connu y pensent avec émotion, les plus jeunes se l’imaginent, difficilement…

Je résume brièvement -sans doute trop, je ne sais pas si vous aurez envie après ça- ce roman très long, que j’ai eu un mal fou à terminer. Non pas qu’il soit inintéressant: il est même assez virtuose, jouant sur différentes temporalités, étirant tout au long des 474 pages le fil rouge de ce fantastique roman graphique « Station Eleven », illustrée par Miranda, la première épouse d’Arthur et qui passe de main et main, du monde d’avant à celui d’après. Il y a aussi Arthur, personnage central mais assez flou, disparu dès les premières pages, qui fait pourtant le lien entre tous les protagonistes, liens que j’ai trouvés un peu artificiels. Je crois que c’est un peu le problème de ce roman : je ne suis pas totalement rentrée dedans, je n’ai pas réussi à m’attacher aux personnages, je me suis ennuyée par moments. Pas tout le temps.

Je voudrais malgré tout souligner la force de certains passages, comme celui où des voyageurs coincés dans un aéroport désormais sans avions (sauf celui mis en quarantaine, avec du monde à bord…) organisent leur survie, créant au sein même de l’aéroport un Musée de la Civilisation où sont exposés des objets d’un monde disparu. L’objet comme témoignage de ce qui n’est plus : un illustré, une boule en verre, des talons aiguilles…

« Les citoyens de l’aéroport avaient pris l’habitude de se retrouver tous les soirs autour du feu, tradition tacite que Clark aimait et détestait à la fois. Ce qu’il aimait, c’était la conversation, les moments de légèreté ou même de silence, le fait de ne pas être seul. Mais parfois, le petit cercle d’individus et la lueur du feu ne faisaient qu’accentuer le vide et la solitude du continent, telle la flamme vacillante d’une bougie dans un océan de ténèbres. »

Alors oui, ce livre n’est pas dénué d’une certaine beauté, son sujet est fort, terriblement d’actualité et l’écriture est belle, mais je regrette des personnages creux, une dimension roman d’aventures (surtout vers la fin) qui ne m’a pas plu – je n’aime pas trop les romans d’aventures, cela n’engage que moi- des longueurs, des liens entre les événements et les personnages qui sonnent bizarrement faux. On trouve aussi dans ce roman un prophète, inquiétant, qui cherche à asseoir sa domination sur quelques survivants accablés et aveuglés… ce n’est pas le moindre des problèmes, les dérives sectaires quand tout va mal, mais elles sont ici trop superficiellement abordées. C’est dommage, il y avait de quoi faire. Quant à Shakespeare et l’art, censés être les fils conducteurs du roman, leur présence m’a semblé bien trop réduite pour être efficace.

Ce n’était peut-être pas le moment pour moi, au vu des critiques enthousiastes que suscite ce roman, je suis à contre-courant. A lire, sans doute, pour se faire son opinion, mais je persiste à dire qu’il lui manque quelque chose.

 

« (…)Plus de produits pharmaceutiques. Plus aucune garantie de survivre à une égratignure à la main, à une morsure de chien, à une coupure qu’on s’est faite au doigt en éminçant des légumes pour le dîner.
Plus de transports aériens. Plus de villes entrevues du ciel à travers les hublots, scintillement de lumières ; plus moyen d’imaginer, neuf mille mètres plus bas, les vies éclairées en cet instant par lesdites lumières. Plus d’avions….
Plus de pays, les frontières n’étant pas gardées….
Plus d’internet. Plus de réseaux sociaux, plus moyen de faire défiler sur l’écran les litanies de rêves, d’espoirs fiévreux, des photos de déjeuners, des appels à l’aide, des expressions de satisfaction, des mises à jour sur le statut des relations amoureuses grâce à des icônes en forme de cœur – brisé ou intact -, des projets de rendez-vous, des supplications, des plaintes, des désirs, des photos de bébés déguisés en ours ou en poivrons pour Halloween. Plus moyen de lire ni de commenter les récits de la vie d’autrui et de se sentir ainsi un peu moins seul chez soi. Plus d’avatars. »

 

Une série a été adaptée du roman :

 

 

 

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14 réflexions au sujet de « Station Eleven- Emily St. John Mandel »

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