C'est très bon

Esprit d’hiver- Laura Kasischke

« Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux »

C’est le jour de Noël. Holly et Eric se réveillent en retard, complètement affolés. Il se précipite pour aller chercher ses parents âgés qui l’attendent à  l’aéroport, elle se lève avec un étrange sentiment d’angoisse et cette phrase qu’elle se répète comme un lancinant mantra: « Quelque chose les avait suivis depuis la Russie jusque chez eux ».

Porteuse d’une anomalie génétique qui a provoqué la mort de sa mère et de l’une de ses soeurs, Holly n’a pu concevoir. Alors, le couple a adopté un bébé, en Sibérie, une petite fille aux yeux immenses et aux longs cheveux noirs de jais, il y a quinze ans de cela. Holly et Eric ont payé très cher pour qu’on prenne soin de l’enfant (les orphelinats en Sibérie, c’est pas la joie…) et sont revenus la chercher quelques mois plus tard.

Aujourd’hui, Tatiana est une belle jeune fille, qui fait singulièrement la tête à sa mère en ce jour de Noël. Elle semble beaucoup lui en vouloir de ce réveil tardif qui a gâché la fête et l’ouverture des cadeaux. C’est du moins ce que suppose Holly, qui ne cesse de se confondre en excuses, cherchant à apaiser la mauvaise humeur de l’adolescente. Seule avec sa fille dans leur maison, alors que le blizzard fait rage et que les invités se décommandent les uns après les autres, perturbée par des appels anonymes et le comportement de plus en plus inquiétant de Tatiana, l’angoisse d’Holly devient panique.

Je sais que j’arrive bien tard. Ce livre a été lu, relu, adoré, détesté, critiqué lors de sa sortie en 2013. Je l’ai zappé volontairement à ce moment là parce que Laura Kasischke, il n’y avait pas moyen. J’ai lu deux ou trois livres de cette autrice et à chaque fois, c’était la cata. Je n’aimais ni son style, ni ses histoires, rien de rien, et la comparaison avec la grande Joyce Carol Oates avait le don de m’énerver. J’ai donc décidé que Kasischke n’était pas pour moi et puis c’est tout. Les années ont passé et voilà qu’une adaptation de son roman « Esprit d’hiver » est diffusée sur Arte depuis peu. Je n’ai pas eu envie de la regarder (les critiques sont assassines et je ne supporte pas de voir une belle rousse devenir blonde) mais de lire le livre. Je l’ai trouvé à la médiathèque.

Il faut toujours redonner sa chance au produit. J’ai bien fait.

Quel bon roman ! Puissant, fouillé (il faut être attentif aux détails, l’écriture est riche et rien n’est laissé au hasard), il distille une angoisse bien réelle, qui monte, qui monte, jusqu’à la fin, énigmatique et cauchemardesque. L’alternance entre le moment présent, cette terrible confrontation mère-fille (entre fuite et affrontement tout au long des 300 pages…) et les évènements du passé qui ouvrent, sans complètement l’expliquer, sur la psyché très compliquée d’Holly, est parfaite. Il y a bien des choses que je n’ai pas comprises, mais ce n’est pas grave : on frôle le surnaturel ou l’on y plonge carrément, c’est au lecteur de décider. Roman psychologique ou diabolique? Peut-être les deux.

Kaschiske n’agite pourtant dans « Esprit d’hiver » aucun épouvantail pour faire peur. Il suffit d’un lourd secret de famille, d’une enfant- et d’une mère- pas tout à fait comme les autres, d’un téléphone qui sonne, qui sonne, de quelques poules effroyablement cruelles, d’un élastique qui claque sur un poignet, de grands, si grands yeux… et la neige.

Une sacrée réussite, de celle qui vous réconcilie une lectrice avec une autrice.

« Raiponce Noir de Jais, l’avaient surnommée les infirmières.
Une telle masse de ravissants cheveux longs et raides, d’un noir d’encre, même à dix-neuf mois.
Et, toutes ces années plus tard, sa peau était toujours celle d’un nourrisson – virginale, aux pores invisibles. Même quand elle passait une journée à l’extérieur, en été, sans mettre d’écran total, Tatiana ne bronzait pas ni ne prenait de coups de soleil. Son teint était de la couleur du lait nuancée d’une goutte de colorant alimentaire bleu. D’un bleu plus sombre au niveau des tempes, et parfois sous ses yeux et au pourtour de la bouche. »

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20 réflexions au sujet de « Esprit d’hiver- Laura Kasischke »

  1. J’ai beaucoup lu Kasischke il y a une dizaine d’années, grâce aux blogs où elle était beaucoup chroniquée. Mais ça fait un bail maintenant, il faudrait que je m’y remette, je ne doute pas d’aimer encore. Quant à toi, tu as vraiment bien fait de lui donner à nouveau sa chance : les goûts changent…

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  2. J’avais détesté La couronne verte, et aimé Les revenants. Cet esprit d’hiver, je pense avoir essayé et lu la fin, quand même! Pour la sortie e la série, je suis allée voir des avis, il y a vraiment de tout! Et j’ai relu la fin.
    Bon, les coups de téléphone insistants, on a la réponse ou pas?

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  3. Mais oui, tu as bien fait ! C’est une autrice qui m’a toujours plu depuis Un oiseau blanc dans le blizzard qui doit être un de ses premiers, mais que je n’ai pas relue depuis Esprit d’hiver. Je n’avais même pas remarqué la sortie en 2020, ton avis m’intéressera…

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  4. J’adore cette autrice et j’avais beaucoup aimé celui-ci ! Et dernièrement (vu que ça faisait longtemps que j’avais lu le roman j’avais oublié l’intrigue…) j’ai vu la série en trois épisodes que j’ai trouvée très réussie ! Audrey Fleurot est impeccable dans le personnage !!!

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