C'est très bon

Traverser la nuit- Hervé Le Corre

« Elle sent le corps de Sam s’amollir puis peser davantage sur elle. Elle coupe le son du téléviseur pour écouter le souffle léger du sommeil où le garçon a glissé. Elle se détend elle aussi, elle pourrait comme lui se laisser aller, ils se réchaufferaient mutuellement, le temps s’arrêterait, le silence et la nuit autour d’eux les protégeant comme un refuge inexpugnable ».

Le voilà mon sauveur ! J’aurais dû penser à Hervé Le Corre bien plus tôt pour me sortir de la panne, tant j’avais aimé « Après la guerre ». Une lecture choc, avec un avant et un après. Magie de l’écriture, histoire du genre coup de poing dans la mâchoire et toutes les dents cassées. J’ai retrouvé « Traverser la nuit » dans ma pile et hop, je lis une page, deux, dix… et trente, cinquante. Je suis partie en vacances avec, mon cher et tendre a pris des photos rigolotes de moi avec « Traverser la nuit » qui me suivait partout. C’était du genre running gag. On a bien ri même si le livre, lui, donne plutôt envie de se pendre.

« Traverser la nuit », ce sont des destins qui se croisent. Celui de Louise, une jeune mère célibataire qui vit dans la peur d’un ex compagnon, d’une violence folle. Il y aussi Jourdan, ce flic au bout du scotch, en rupture familiale, ne supportant plus les horreurs du monde et Christian… Christian, le frappa dingue, tueur en série, massacreur de femmes.

C’est un livre terrible, d’une beauté ténébreuse, d’une rudesse assez exceptionnelle, mieux vaut être prévenu (rien ne nous est épargné, c’est dur, dur, très dur) mais une rudesse puissamment poétique : l’écriture d’Hervé Le Corre transcende les horreurs qu’il décrit. Il voit tout, il décrit tout, il a un sens absolument magique du plus petit détail, il fait VIVRE ses personnages à un point tel que lorsque Louise prend des coups (elle en prend, elle en prend, c’est épouvantable) on les reçoit en même temps qu’elle(façon de parler, vous avez compris l’idée). La fin m’a fait hurler de désespoir, elle ne répond pas du tout à mes attentes de lectrice, je dois dire. J’étais fâchée. Mais ainsi va la vie dans le monde très sombre d’Hervé Le Corre, sans doute un des auteurs contemporains qui m’impressionne le plus. Je ne mens pas. Cela m’arrive rarement mais j’ai enchaîné direct avec un autre roman de cet auteur (j’étais pas si fâchée en fait). Je suis en plein dedans. IMPRESSIONNANT. Qui écrit comme ça, dites-moi un peu?

Il est persuadé, Jourdan, que ça va se casser la gueule, que les lumières s’éteindront, que les images saturant les écrans, les voix surgies du lointain n’arriveront plus nulle part, perdues dans d’infranchissables distances comme ces oueds absorbés par le désert. Il ne sait pas quand ni comment mais il est sûr que ça se produira, chaos climatique, incendies géants, épidémies, les conjugaisons du pire sont déjà imprimées, leurs règles implacables connues de tous, au futur exclusivement. Temps barbare vers quoi on apprend encore des enfants à marcher.

J’adore cet auteur et je veux saluer une chose en particulier : lorsqu’il décrit des enfants, il échappe totalement à la caricature. Ses gosses sont vrais, ils n’ont rien de cucugnangnan, ils ne sont pas en train de courir après les étoiles filantes en invoquant la magie de Noël et toussa toussa (je sais de quoi je parle, hein…). En effet pourquoi les enfants seraient-ils niais en littérature? Ils ne le sont pas si souvent dans la vie. Hervé Le Corre les rend justes et émouvants. Quelle tendresse on éprouve pour ce petit Sam, si courageux, et pour la petite Rachel, de l’autre roman. (j’en parle bientôt).  Bravo et merci.

J’ai commencé à écouter un entretien pas très joyeux, mais tout à fait passionnant qu’Hervé Le Corre a accordé à une libraire de chez Mollat.

 

 

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17 réflexions au sujet de « Traverser la nuit- Hervé Le Corre »

  1. Super d’avoir réussi à « vaincre » cette panne de lecture, par contre très étonnée que ce soit avec cet auteur qui plombe bien le moral ^^, enfin on n’a pas l’impression lorsqu’on voit ta photo :). Je ne sais pas si je me lancerai, mon cher et tendre certainement, il adore l’auteur.

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  2. Même réflexion qu’Emma, c’est assez étonnant de se sortir d’une panne de lecture avec quelque chose d’aussi sombre. Mais je note ce pouvoir d’Hervé le Corre, je vais remonter le titre que j’ai dans ma PAL (je ne sais même plus quel titre …).

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  3. C’est vrai, avec Le Corre, on n’est jamais déçu… mais ce qui est vrai aussi, c’est qu’il est plombant (et étant comme lui de Bordeaux, j’ai eu l’occasion de le rencontrer plusieurs fois sur des salons, et il est aussi sombre lors des entretiens que dans ses livres, bien que très intéressant…), mais comme j’aime les romans plombants, tout va bien !!
    Et tu as vu la fin de celui-là… terrible hein ?

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  4. Même remarque que les copines, cela semble bien plombant pour sortir d’une mauvaise passe de lecture… Je n’ai lu qu’un Hervé Le Corre (Après la guerre) et j’ai beaucoup aimé, mais c’était tellement sombre que je retarde le moment d’en lire un autre…

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  5. bon, je ne vais pas répéter ce qui a été dit précédemment… contente que tu sois sortie de ta panne…et que tu aies retrouvé l’usage de tes doigts! 😉
    j’avais lu Le Corre avec L’homme aux lèvres de saphir, très noir aussi. Pas emballée (en même temps la période était pour moi très sombre aussi donc…), et donc pas du tout tentée par cette noirceur. bonne semaine! 🙂

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