« Enfin, la voix de Sardou et ces paroles qui faisaient semblant de parler d’ailleurs, mais ici, chacun savait à quoi s’en tenir. Parce que la terre, les lacs, les rivières, ça n’était que des images, du folklore. Cette chanson n’avait rien à voir avec l’Irlande. Elle parlait d’autre chose, d’une épopée moyenne, la leur, et qui ne s’était pas produite dans la lande ou ce genre de conneries, mais là, dans les campagnes et les pavillons, à petits pas, dans la peine des jours invariables, à l’usine puis au bureau, désormais dans les entrepôts et les chaînes logistiques, les hôpitaux à torcher le cul des vieux, cette vie avec ses équilibres désespérants, des lundis à n’en plus finir et quelquefois la plage, baisser la tête et une augmentation quand ça voulait, quarante ans de boulot et plus, pour finir à biner un minuscule bout de jardin, regarder un cerisier en fleur au printemps, se savoir chez soi, et puis la grande qui passait le dimanche en Mégane, le siège bébé à l’arrière, un enfant qui rassure tout le monde : finalement, ça valait le coup. Tout ça, on le savait d’instinct, aux premières notes, parce qu’on l’avait entendue mille fois cette chanson, au transistor, dans la voiture, à la télé, grandiloquente et manifeste, qui vous prenait aux tripes et rendait fier. »
Avant de vous parler de Connemara et du Grand Nico, je partage avec vous une nouvelle qui m’enchante, me ravit, me fait frétiller de joie. Non, je n’ai pas gagné au loto, c’est mieux. Cuné revient ! Il faut croire aux miracles, ils arrivent. Sur un nouveau blog, mensuellement, Cuné revient. Elle est pas belle la vie? Bon retour Cuné, ne nous lâche plus, hein, reviens à ton rythme, mais reviens pour de bon. Merci ! Trop bien.
Connemara maintenant.
Hélène, bientôt quarante ans, belle, brillante, travaille pour un cabinet conseil, où elle fait des étincelles. Elle aspire à devenir l’associée du grand patron. Elle est de retour dans les Vosges avec mari et enfants après un sérieux burn-out. Son mariage ne la satisfait plus, elle se satisfait plutôt toute seule (ahemmm, dans sa voiture, par exemple…). Christophe, ancienne gloire locale de hockey sur glace, est aujourd’hui commercial en nourriture canine. Il est divorcé, papa d’un petit garçon et vit avec son père, qui perd un peu la boule. Hélène et Christophe se sont connus dans le temps, ils se retrouvent sur une appli de rencontre. Ils ont une liaison extra conjugale torride. Ils ne sont pas du même monde (enfin si, un peu, au moins de la même région mais l’une est partie et revenue, l’autre n’a pas bougé de son bled) mais comme chacun sait, les extrêmes s’attirent.
C’est du Nicolas Mathieu et dieu sait que je l’aime, cet écrivain. Je dois pourtant avouer que les premières pages m’ont fait peur, je ne retrouvais pas le Grand Nico, j’ai même envoyé quelques messages d’alerte à une amie assortis d’émojis désespérés, sais-tu où est passé Nico? Elle n’en savait rien, Nicolas Mathieu, c’est pas son truc. Comment est-ce possible??
Heureusement, passé un début laborieux, vite écrit, un brin caricatural, j’ai retrouvé le Grand Nico, son regard magnifique et tellement acéré sur les choses et les gens, et cette nostalgie d’un passé révolu qui nous donne droit à de très beaux flash-back sur l’adolescence de nos deux héros. C’est tellement juste, tellement bien vu. J’ai été particulièrement touchée par Hélène adolescente, fille unique et couvée par papa maman, qui rêve de s’échapper de son milieu. Elle fait tout pour, réussit brillamment ses études et oui, elle finit par s’échapper. Une vraie transfuge de classe. J’ai beaucoup moins aimé Hélène adulte, je l’ai trouvée assez antipathique et j’ai gardé ce sentiment jusqu’au bout, au contraire de Christophe. Lui a perdu de sa superbe avec l’âge et cherche à retourner sur la glace, sans rien faire pour assurer ce retour (il boit trop, il ne fait aucun effort pour maigrir, c’est un peu la lose). J’ai aimé ce personnage masculin très vrai, et sa relation avec son fils, avec son père. Tous deux s’éloignent, pour des raisons que je vous laisse découvrir. Il y a aussi les copains, ceux de l’adolescence que Christophe a gardés. Pas méchants, mais qui ne le tirent pas vers le haut. Le Christophe, il est influençable, on le fait picoler alors qu’il a un match de hockey le lendemain, et lui, il y va… mais c’est parce qu’il est fragile et pas super heureux. J’ai vraiment aimé ce gros malabar assez tendre.
Ce roman parle de la vie, des relations hommes-femmes, du temps qui passe, il est aussi très politique, dénonçant le baratin malhonnête et révoltant des cabinets conseils qui vendent… des chiffres et du vent. Ce ne sont pas les moments qui m’ont le plus passionnée mais j’aime quand Nicolas Mathieu écorche, égratigne, il le fait avec le génie qu’on lui connaît. Il a une écriture, bon sang… j’ai une passion pour les écritures visuelles. Nicolas Mathieu donne à voir, il a le sens du petit détail, du mouvement, du geste, de l’expression (le visage du gamin qui pleure, avec sa bouche comme un huit à l’horizontale, vous le voyez? Moi oui…), comme dans un film.
La fin est tristounette, mais on s’y attendait.
Ce roman n’a évidemment pas la puissance de « Leurs enfants après eux », mais ils sont rares, les romans du niveau de « Leurs enfants… » « Leurs enfants après eux », c’est un chef-d’oeuvre.
J’ai pourtant beaucoup aimé celui-ci et je l’ai terminé avec regret.
Mireille est en proie à des sentiments contradictoires, des sentiments de mère, qui s’étonne de voir son bébé devenu une grande bringue avec des fesses de femme et des réactions de gamine, cette chevelure de Madeleine et les ongles rongés, qui trainaille au lit et veut faire les grandes écoles, cite des écrivains et ne sait toujours pas mettre son linge sale au panier, prononce des mots méconnus et renifle son tee-shirt pour savoir si elle pourra le mettre un jour de plus, mange encore ses nouilles avec les doigts, distraitement, et s’étire comme un chat à la fin du repas après avoir saucé son assiette avec du pain, une gamine qui veut des talons et la pilule. Elle la regarde, prise dans ce chassé-croisé des espérances et de la peur.
Je n’ai lu que « Leurs enfants après eux », je vois bien que j’ai tort…
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Si tu as lu « Leurs enfants … » c’est l’essentiel ! C’est une merveille( à mon avis)
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C’était ma première lecture de l’auteur et je l’ai abandonné assez vite. Je me suis dit « ah bon c’est ça Nicolas Mathieu » sans comprendre l’engouement autour de lui. Mais je suis prête à retenter et par ailleurs j’apprécie énormément ses papiers dans la presse …
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Il faut lire « leurs enfants après eux » … tu vas voir…
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je ne suis pas ultra fan du style tel que lu dans les citations que tu mets… en tout cas sur la longueur, je ne sais pas si je supporterais. J’avais bien sûr noté Leurs enfants, mais toujours pas lu.
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Moi j’adore son écriture qui chope tout … même impression qu’avec Hervé Le Corre en moins trash bien sûr: une écriture très visuelle, qui fouille, qui détaille. Enfin ça ne se discute pas, moi j’adore vraiment
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Non, mais je comprends, je trouve que sur le fond les citations sont vraiment excellentes! après sur tout un roman, cette structure de phrase pas sûre d’y arriver. 😉
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C’est très personnel je comprends:) si tu peux et si tu veux lis « leurs enfants … » c’est un livre tellement puissant
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Comme toi, j’aime beaucoup l’écriture de N. Mathieu et j’ai adoré ce roman (mais moi autant que « Leurs enfants après eux » 😉).
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Je suis ravie de partager ma passion pour le Grand Nico:) J’ai aimé celui-là,beaucoup, mais « leurs enfants après eux » a été une telle claque… je le relirai c’est sûr
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Grace à toi j’apprends que Cuné revient (un peu)
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Un peu c’est mieux que pas du tout ! C’est trop bien 🙂
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Merci pour la bonne nouvelle !!
Et j’attends la sortie poche de Connemara avec impatience, j’ai aimé tout ce que j’ai lu de Nicolas Mathieu. Aux animaux la guerre est très bien aussi..
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Ouiiii j’ai adoré aussi 😉
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Difficile de faire mieux que Leurs enfants après eux, en effet.
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Nous sommes d’accord 😆
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J’ai presque autant aimé que « Leurs enfants après eux » (et je n’ai pas encore lu « Aux animaux la guerre »). Il a un style qui me happe. Impossible de lâcher le roman avant la dernière page !
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